Les musées de Soissons accueillent du 12 mai au 3 septembre 2023 l’exposition « 3.5 », première monographie muséale d’envergure consacrée à l’artiste Kim KototamaLune, accompagnée de son collectif les Bones and Clouds (Jean-Benoist Sallé et Stéphane Baz). « 3.5 » se construit autour d’un corpus inédit d’œuvres monumentales en verre, aux multiples techniques (verre filé, sagging, thermoformage, soufflage), augmentées par des jeux de lumières et projections vidéo. Sous le commissariat scientifique de Clément Thibault et le commissariat général de Christophe Brouard, l’exposition a été réalisée en partenariat avec le MusVerre, Musée du verre contemporain (Sars-Poteries). Elle est incluse dans la programmation officielle d’ISEA 2023 – International symposium on Electronic Arts – et a bénéficié du soutien du Fonds Régnier pour la Création.
« 3.5 » offre une immersion dans un monde fascinant. Ses médiums sont le verre, la projection vidéo, l’ombre portée, le son, avec leur matérialité singulière, comme éthérée. Les formes exposées, oscillant entre l’abstrait mathématique de polygones parfaits et l’organique foisonnant des « microcosmes » de Kim, servent de métaphore de notre société — liquide, virtuelle, éphémère, et de ses paradoxes avec le corps, la physicalité.
Le verre, que Kim KototamaLune travaille avec une virtuosité stupéfiante en le filant en réseaux délicats, apparait d’ailleurs comme une éloquente métaphore de notre société. D’abord par sa matière, la silice, qu’il partage avec le silicium utilisé pour la plupart des puces informatiques qui inondent notre planète. Par sa transparence aussi, qui répond à l’idéologie de notre temps et l’architecture vitrée des lieux de pouvoirs. Par sa force fragile, également. Solide, mais cassant, comme un système à bout de souffle qui chaque jour, donne la sensation qu’il risque de rompre.
Par sa virtualité, enfin. Pourquoi « 3.5 » ? Parce que nos corps évoluent dans un espace en trois dimensions. Et pourtant, le monde se sature de surfaces les submergeant. Les écrans, les réalités mixtes, augmentées ou virtuelles ajoutent une couche d’information à cette tridimensionnalité qui, dès lors, semble un peu plus. « 3.5 », c’est donc une manière de rendre la virtualité, dans toute l’épaisseur qu’a gagné le terme depuis internet : le virtuel comme ce qui est, mais au bord de ne pas être ; le virtuel comme champ des possibles ; le virtuel comme cyberespace.
Voilà « 3.5 », une expérience dans les limbes des existences moindres, la tentative mystique de toucher ce qui est hors de nos sens. « 3.5 », c’est la réponse esthétique à une société profondément virtuelle ; c’est l’esprit du temps encapsulé dans la transparence fragile du verre, dans l’immatérialité de l’image projetée et des ombres portées ; que d’instants fugitifs, précaires, qui ne tiennent à rien. « 3.5 », c’est un microcosme, peuplé d’organismes qu’on dirait aquatiques, un petit théâtre intra-utérin, c’est l’intérieur du corps glitché par des géométries trop parfaites pour être naturelles.
Œuvre financée grâce au soutien du Fonds régnier pour la Création :
D’ici peu…, est une oeuvre monumentale en verre soufflé et tiré au chalumeau, en résine et en métal, de 5 mètres de long. Ce travail est à la fois comme une promesse et une menace qui nous met face à l’état instable du monde. La beauté et la richesse des organismes vivants de notre planète se voient, ici, surplombées par une pierre qui ne cesse de les frôler, toute prête à briser leur fragilité.
Le travail de Kim KototamaLune s’inspire des fonds marins et du microbiote humain depuis plusieurs années. A travers cette œuvre, le collectif Bones and Clouds souligne l’urgence de prendre conscience de notre écosystème interne, notre flore intestinale, afin d’être sensibilisé, connecté, à notre environnement et à sa préservation. « D’ici peu… » met en écho notre écologie interne et notre écologie externe.